Ma petite histoire – aux lectrices et lecteurs de Red Lips High Heels

Je suis une survivante de guerre et voilà mon histoire. Pardonnez-moi de ne pouvoir divulguer mon nom pour le moment. Peut-être qu’un jour…

La guerre, pour moi, advient à l’externe, vu que je suis libanaise et que je vis dans un environnement de violence généralisée, et interne, au sein de mon foyer.

J’ai grandi dans une famille aisée, que l’on pourrait juger de ‘parfaite’, mais les apparences sont trompeuses, croyez-moi. Mon père, la personne qui aurait dû me protéger, me viola à répétition dès que j’eus 12 ans. Et ma mère, qui était battue, ne pouvait même pas me secourir. Je lui en veux encore, tout en comprenant sa situation. Ses parents ne voulaient pas l’aider, elle ne travaillait pas, était sans le sou, et dépendait de son mari en tout.

J’ai dû fuir la maison à 18 ans. Heureusement que mon conjoint de longue date m’aida à louer une chambre en banlieue de Beyrouth et à poursuivre mes études. J’ai dû accumuler les petites besognes pour arrondir mes fins de mois.

Il va sans dire que j’ai dû changer de look pour que mon père ne me retrouve pas, couper les ponts avec tous mes amis d’école, et même ne plus parler avec ma mère, mes frères et soeurs.

Des années ont passé. Je me suis mariée, eu des enfants, et je vis ‘normalement’, mais le passé me hante. Mon cas n’est pas isolé. Je sais qu’il y en a d’autres comme moi, mais qui n’ont pas eu l’opportunité de pouvoir s’en sortir plus ou moins bien. Je maudis encore mes parents, ma communauté et l’Etat. Tous responsables…

Bien d’enfants et d’adolescents payent le prix des guerres des adultes, de la violence qu’ils s’infligent et infligent aux autres, notamment aux plus faibles, aux sans défense.

Ma confiance en mes parents et en mon pays a disparu, mais j’ai confiance en ma volonté, en mon mari et en mes enfants. J’ai encore de l’espoir. On peut reconstruire les pots cassés, les coeurs meurtris.

Tout n’est pas perdu. En tous cas, moi, je veux encore y croire. C’est ce qui me donne la force de continuer, en dépit de tout.

A toutes ces femmes – et aux hommes aussi – qui souffrent, vous n’êtes pas seules, et les solutions existent. Tout commence par soi… S’aimer pour pouvoir apprendre à aimer autrui. Se faire confiance pour faire confiance aux autres et à la vie et oser éteindre les incendies… Le passé, on ne peut l’oublier, mais on apprend à en gérer les conséquences. 

[hr]

Témoignage recueilli en libanais et traduit en français.

[hr]

Image: Film ‘Incendies’, adapté de la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad.

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *